Deep Cuts

« Un jour, lors d’une promenade dans une forêt de pins, je me suis mis à frapper une branche contre le tronc d’un arbre. Cette action me mettait dans un état qui m’est familier, mais pour lequel nous avons peu de mots - un état entre joie, colère, une sensation de ma propre puissance au regard de ma capacité à agir avec le monde physique. C’est une sensation que je retrouve souvent quand je me balade en nature, que j’expérimente aussi sur la piste de danse, ou dans un combat de lutte. Il me semble que c’est un état de corps pour lequel nos langues sont pauvres, et cela à juste titre - c’est une sensation qui s’exprime mieux en dansant, en chantant, en gueulant.

Je commençais alors à réfléchir sur la relation entre l’érotique et la violence dans nos articulations écologiques. Je me demandais si cette sensation d’érotisme violent que j’ai éprouvée en frappant cet arbre pourrait être un filtre pour scruter les relations entre les humains et leurs écosystèmes politiques, il m’est vite apparu nécessaire de coucher ce projet dans un geste artistique et poétique. 

Mes recherches pour Deep Cuts m’ont amené vers la pastorale, qui, à l’origine, désigne des poèmes de l’antiquité grecque et romaine qui centralisent la figure du berger et son évolution, notamment amoureuse, au sein d’un milieu champêtre. A la Renaissance et à la période Romantique, la pastorale revient dans le discours de création artistique et s’étend à des oeuvres littéraires, musicales, et plastiques qui idéalisent la vie bucolique, souvent pour un public urbain. J’ai une attirance particulière pour les pastorales Romantiques - ma première rencontre avec ce genre étant la Symphonie no. 6 de Beethoven, dans ma jeune enfance. Si on peut voir le retour de la pastorale à l’époque Romantique comme une réaction à la révolution industrielle, on voit aussi un parallèle avec nos questionnements sur l’extraction des ressources et notre déséquilibre actuel.

Pour Deep Cuts, j’ai envie d’explorer comment le texte chanté pourrait être une autre manière de rendre la pensée accessible. Je suis intéressé de voir ce que l’inflexion de la voix chantée peut apporter comme superposition de sens, ce que l’écriture des paroles - marquées davantage par la répétition et l’association poétique par rapport aux discours adressés de mes précédentes créations - apporte à la compréhension et l’intégration d’une expression textuelle. » B.C

Informations : https://www.meteores.org/bryan-campbell